Décrypter les signaux de son chien : les clés pour éviter les malentendus

21/10/2025

Pourquoi tant d’erreurs d’interprétation dans la communication humain-chien ?

Au fil de l’histoire, chiens et humains ont appris à “parler ensemble”. Mais, entre leur code et le nôtre, il reste parfois des quiproquos dignes d’une comédie !

  • Des attentes humaines projetées sur le chien : Les humains ont tendance à anthropomorphiser le comportement canin, c’est-à-dire à prêter au chien des émotions, des intentions ou des raisonnements propres à l’espèce humaine. Ainsi, voir de la “jalousie” ou de la “vengeance” là où il n’y a que du stress ou un manque de compréhension peut entraîner des réactions inappropriées (National Canine Research Council).
  • Un langage corporel bien différent : Les signaux émis par les chiens sont principalement corporels et souvent subtils. De nombreuses études montrent que 80 à 90% des signaux de communication d’un chien passent par le corps et non par la voix (Université de Lincoln, 2018). Or, ces nuances nous échappent parfois, car notre communication est essentiellement verbale.
  • Des signaux contextuels : Un même signal peut avoir une signification différente selon la situation ou selon l’individu (par exemple, un grognement de jeu se distingue par le contexte et la posture globale du chien).

Les signaux canins les plus mal interprétés – et comment les reconnaître

Apprendre à lire un chien, c’est d’abord identifier les signaux de base et savoir qu’ils forment souvent des combinaisons à observer dans leur ensemble. Voici quelques signaux-clés fréquemment mal interprétés :

1. Les signaux d’apaisement (“calming signals”)

  • Léchage de babines : Ce geste est souvent pris pour un “petit coup de langue mignon”, voire une demande de friandise. En réalité, il s’agit bien souvent d’un signal d’apaisement face à une situation qu’il trouve inconfortable ou stressante (Turid Rugaas, “On Talking Terms with Dogs”).
  • Baillement : Si votre chien baille alors qu’il ne s’apprête pas à dormir, ce n’est pas forcément de la fatigue. Il cherche peut-être à désamorcer un conflit ou à montrer qu’il est mal à l’aise.
  • Détournement du regard/tête : Loin d’être de l’ignorance, c’est une manière de signifier : “Je ne veux pas de problème !” Un réflexe que l’on retrouve aussi lorsque deux chiens se croisent en laisse et détournent subtilement la tête pour s’éviter…

2. Les postures d’excitation ou de peur mal interprétées

  • Queue en balancier : Beaucoup d’humains pensent que “si la queue remue, c’est que le chien est content”. Attention, tout est dans le port de la queue et la vitesse du mouvement ! Une queue très haute, raide et fouettant rapidement l’air signale souvent de la tension ou de l’agitation, pas de la joie détendue.
  • Oreilles “en arrière” : Cette posture n’indique pas toujours de la culpabilité ou de la soumission, mais peut aussi révéler de la peur, du malaise, ou parfois de l’anticipation face à un stimulus (bruit, inconnu).
  • Grognements : Un des signaux les plus diabolisés ! Un grognement n’est pas une menace gratuite, mais une mise en garde précieuse à écouter. Punir le grognement, c’est risquer de pousser le chien à passer directement à la morsure sans préambule…

Selon l’American Veterinary Society of Animal Behavior (AVSAB), la majorité des morsures se produisent dans un contexte où le chien a préalablement émis plusieurs signaux subtils non compris ou ignorés.

Pourquoi l’anthropomorphisme est-il risqué ?

En France, 56% des propriétaires interprètent régulièrement le comportement de leur animal à travers un prisme humain, d’après un sondage IPSOS de 2022. Si cette tendance part souvent d’une bonne intention, elle peut induire de fausses pistes :

  • Scénarios de “vengeance” (un coussin détruit durant l’absence = le chien m’en veut)
  • “Calinothérapie” forcée (imposer des câlins à un chien qui détourne la tête)
  • Réprimandes mal placées (crier parce que le chien “sait ce qu’il a fait”, alors qu’il ne comprend qu’il est réprimandé, sans lien de cause à effet pour lui)

La recherche menée par Alexandra Horowitz (“Inside of a Dog”) a montré que les fameux “regards coupables” sont en réalité une réponse à la posture et au ton du propriétaire, pas à une quelconque reconnaissance de faute.

Comment développer son œil et éviter d’interpréter à l’envers ?

Voici quelques étapes concrètes pour mieux lire votre chien et éviter les principaux pièges :

  1. Se baser sur plusieurs signaux et le contexte global Ne jamais interpréter un seul signe, mais observer l’ensemble du corps : position des oreilles, de la queue, des yeux, tension corporelle, babines… et confronter à la situation vécue.
  2. S’informer à la bonne source Privilégiez les ressources scientifiques, les ouvrages d’éthologie canine, ou rapprochez-vous d’éducateurs formés. Fuyez les raccourcis type “le chien dominant”, “le chef de meute”, ou les méthodes brutales (le concept de dominance chien-homme a été largement démenti par les éthologues depuis plus de 20 ans – John Bradshaw, “In Defence of Dogs”).
  3. Filmer et revoir les séquences du quotidien La vidéo est un formidable outil : filmer ses interactions ou les rencontres avec des congénères permet de prendre du recul, d’analyser à tête reposée ce que l’on n’avait pas vu sur le vif.
  4. Solliciter un regard extérieur bienveillant Faire appel à un éducateur professionnel (comportementaliste ou éducateur canin certifié), particulièrement en cas de comportements répétés difficiles à décrypter.

Points concrets pour s’entraîner au quotidien

Certaines initiatives sont efficaces pour affiner sa compréhension sans stress :

  • Observer différents chiens dans un parc ou un lieu neutre : L’exercice consiste à repérer 5 signaux de communication différents, puis à essayer de deviner l’émotion ressentie dans chaque cas – la confrontation avec d’autres maîtres ou un éducateur aguerri permet d’élargir sa palette de lecture.
  • Lire une planche d’illustrations (petits guides visuels) : Plusieurs associations et sites animaliers proposent des infographies gratuites présentant, par étapes, les positions typiques (cf. “Doggie Language”, Lili Chin).
  • Prendre le temps lors des promenades : S’arrêter 30 secondes pour observer le port de queue, les oreilles, la marche du chien… un mini-rituel formateur !

Quelques pièges classiques à éviter (et comment s’en extraire)

  • L’interprétation “à la loupe” : Croire qu’un chien qui s’immobilise est systématiquement craintif. La fameuse “freeze” n’a pas qu’une seule signification ! Elle apparaît parfois lors du jeu, de la chasse ou en anticipation d’un ordre. Se rappeler de toujours observer le contexte complet.
  • Ne pas écouter le grognement : Comme évoqué, il s’agit souvent d’une alarme saine. Selon un rapport de l’Insurance Information Institute aux USA, plus de 77% des morsures de chiens rapportées chaque année ont été précédées de signaux mal interprétés ou ignorés.
  • “Il veut dominer” : Les comportements de “montée sur l’humain ou l’objet” sont, dans la plupart des cas, liés à l’excitation ou à l’apprentissage du jeu, pas à une stratégie de domination sociale (AVSAB Statement on Dominance Theory, 2014).
  • Penser qu’un câlin calme toujours un chien : Certains chiens trouvent le contact rassurant, d’autres peuvent se sentir “coincés” et montrer des signaux d’inconfort (recul, raideur, détournement du regard). Respecter leur préférence est primordial.

Zoom sur quelques situations à guetter

Situation Signaux à observer Exemple de bonne réaction
Rencontre avec un inconnu Détournement du regard, lèchage de babines, raideur, oreilles en arrière Laisser le chien prendre l’initiative du contact, garder la laisse détendue
Arrivée d’un autre chien Ralenti, immobilisation, queue basse, posture courbée S’éloigner doucement, éviter la rencontre forcée si le chien montre du stress
Jeu avec l’humain Pupilles dilatées, bondissements, “play bow” (fesses en l’air), grognements aigus Renforcer les pauses, surveiller l’excitation, varier les jeux

Quand consulter un professionnel ?

  • Si le chien réagit agressivement sans signaux préalables identifiables
  • En cas de peurs extrêmes soudaines
  • Si un comportement (aboiement, destruction, malpropreté…) devient chronique et source de mal-être
  • Pour mieux décoder les signaux subtils chez les chiens dits “peu expressifs” (certaines races sont moins démonstratives)

Un professionnel saura mettre des mots justes sur des attitudes qui passent parfois inaperçues, et vous proposer des pistes d’ajustements personnalisées.

À retenir et à transmettre

Apprendre à lire le langage canin, c’est accepter de sortir de son prisme d’humain pour essayer, un instant, de voir le monde à quatre pattes. Les chiens communiquent sans mot et avec une honnêteté désarmante. Observer sans juger, se former via des sources fiables, privilégier la bienveillance et la patience : tout cela forge, jour après jour, une relation fondée sur la confiance et la compréhension réciproque. Observer sans deviner : les réponses sont (presque) toujours sous vos yeux !

Pour aller plus loin, n'hésitez pas à consulter les ouvrages cités ou à vous rapprocher d’un éducateur canin professionnel près de chez vous. Une belle aventure de compréhension… et d’apprentissage mutuel !

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