Quand le regard de votre chien parle pour lui : comprendre ses émotions à travers ses yeux

09/10/2025

L’œil du chien, un livre ouvert… ou presque !

Si le regard est parfois qualifié de miroir de l’âme chez l’humain, il joue aussi un rôle clé dans la communication canine. Le simple échange de regards avec un chien peut révéler une multitude d’informations sur ce qu’il ressent ou vit à l’instant T. Mais contrairement à ce que l’on pense souvent, il ne suffit pas de croiser le regard de son animal pour tout comprendre de son humeur. Encore faut-il apprendre à observer et à décoder les subtilités du langage oculaire canin, tout en tenant compte du contexte !

Pourquoi se pencher de plus près sur les yeux de notre chien ? Parce qu’ils participent activement à la communication non verbale. Ils forment, avec les oreilles, la queue et la posture générale, ce que les comportementalistes appellent les signaux d’apaisement et d’expression affective (Turid Rugaas, “On Talking Terms with Dogs: Calming Signals”).

Ce que nous disent les études sur le regard canin

Les chiens ont développé, au fil de leur domestication, une incroyable capacité à interpréter nos mimiques faciales et à attirer nos yeux vers les leurs. Des chercheurs de l’Université d’Azabu (Japon) et d’Oxford (Royaume-Uni) ont démontré que les échanges de regards entre chiens et humains stimulent la production d’ocytocine, l’hormone de l’attachement, aussi bien chez l’un que chez l’autre (Science, 2015).

  • Un contact visuel prolongé entre un chien et son propriétaire peut entraîner une hausse de 130% du taux d’ocytocine chez l’humain… et de 300% chez le chien. Une vraie “déclaration d’amour biochimique” !
  • Cette compétence à soutenir un regard n’existe pas (ou très peu) chez le loup, preuve que ce comportement est issu de la co-évolution entre chien et humain (Eötvös Loránd University, Budapest).

Mais attention : le regard n’a pas systématiquement la même signification selon la situation, la race ou l’histoire de l’animal. Certains chiens sont plus expressifs, d’autres réservent leurs regards appuyés aux situations de confiance ou d’insécurité.

Observer le regard : à quoi faut-il prêter attention ?

Décrypter l’état émotionnel d’un chien via ses yeux, ce n’est pas seulement interpréter où il regarde. Plusieurs indices sont révélateurs :

  • La forme des yeux : grands ouverts, plissés, ronds, « en amande » ...
  • Les mouvements oculaires : saccadés, fixes, fuyants ...
  • La direction du regard : droit dans les yeux, à l’écart, sur le côté, en bas ...
  • La dilatation des pupilles : soudaine ou progressive ...
  • Le blanc des yeux (sclère visible ou non) : plus ou moins apparent ...

Ces éléments prennent tout leur sens lorsqu’on les relie à la situation vécue par le chien et à l’ensemble de son langage corporel.

Quand le regard du chien exprime la confiance, l’affection ou l’apaisement

Selon National Geographic, un chien détendu manifestera souvent :

  • Des yeux semi-clos ou en “amande”
  • Un regard doux, parfois accompagné d’une tête légèrement inclinée
  • Des clignements lents ou des paupières “lourdes”

Ces signaux sont équivalents à un sourire apaisant chez l’humain. Certains chiens, quand ils cherchent activement le regard de leur humain, cherchent une interaction sociale, de l’attention ou le partage d’un moment de complicité (source : Dr. Alexandra Horowitz, chercheuse spécialisée en cognition canine).

  • Le « clin d’œil » canin : les chiens peuvent volontairement fermer ou plisser un œil, pour “casser” une situation potentiellement stressante ou montrer qu’ils sont détendus.
  • Le “regard qui danse” : des yeux qui papillonnent légèrement, en bougeant d’une personne à l’autre ou vers un jouet, traduisent la curiosité et l’envie d’interagir.

Astuce pratique : Vous pouvez renforcer la confiance de votre chien en échangeant quotidiennement quelques regards doux et sans insistance, surtout lors de situations calmes (papouilles, repos, jeu partagé).

Un regard fixe et intense : émotion forte ou inconfort ?

À l’inverse, un regard intense, avec les pupilles dilatées, traduit presque toujours une émotion forte — mais pas forcément positive !

  • Peurs et stress : Le chien peut avoir le regard figé, les yeux ronds, parfois “larmoyants”. Les muscles autour de l’œil se contractent ; il peut fixer un point précis. Si on voit le blanc des yeux (on appelle ça “l’œil de baleine”), c’est souvent un signe de malaise ou d’évitement.
  • Colère, frustration ou excitation extrême : Le chien “plante” son regard, surtout s’il garde le corps rigide. Les pupilles deviennent larges, la respiration se fait courte. C’est un avertissement qu’il ne faut pas ignorer.

D’ailleurs, dans une étude publiée par le Canine Behaviour & Research Institute (2020), 78% des incidents de morsure canines en contexte domestique étaient précédés d’un regard fixe et soutenu vers l’élément déclencheur (personne ou autre animal).

Attention ! Chez le chien, soutenir un regard direct peut être perçu comme une provocation ou un défi, surtout avec un inconnu. À l’état sauvage, deux canidés qui se fixent les yeux cherchent à négocier des rapports de force – d’où l’importance d’être attentif au contexte.

Le “regard fuyant” : gêne, peur, soumission… ou politesse ?

On pense à tort qu’un chien qui détourne le regard manque de confiance. La réalité est plus nuancée :

  • Évitement : Lorsque votre chien détourne la tête et regarde ailleurs, il essaie souvent de désamorcer une situation qu’il juge inconfortable : rencontre d’un congénère, réprimande, attention insistante …
  • Politesse canine : Chez le chien, éviter un regard direct est un code social fort pour signifier “je ne cherche pas le conflit” (Turid Rugaas).
  • Peur ou stress : Si le regard est fuyant, associé à des signaux comme le léchage de truffe ou le bâillement, on parle alors de signaux d’apaisement — le chien “demande la paix”.

Petite anecdote : Chez certaines races nordiques ou primitives, comme le Husky ou le Shiba, un regard direct est plus rare. Ce sont des chiens qui “parlent” beaucoup avec le corps, et très peu avec l’œil.

Conseil d’expert : Si un chien évite votre regard, rassurez-le, ignorez-le un moment et attendez qu’il vienne vers vous de lui-même. Ne forcez pas le contact visuel.

Pupilles et sclère : des indices précieux (et parfois dramatiques) !

La taille des pupilles est un indicateur d’émotion quasiment universel chez les mammifères. Chez le chien, elle varie en fonction de la lumière… mais aussi, et surtout, de l’excitation émotionnelle.

  • Une dilatation soudaine des pupilles (dans un environnement lumineux) signale souvent une poussée de stress, de peur ou d’excitation intense.
  • Une pupille rétrécie (myosis) n’a pas la même valeur : on l’observe dans la concentration extrême ou la relaxation profonde. Mais si le chien plisse les yeux et évite, attention à la douleur !

La sclère (blanc de l’œil) n’est généralement pas visible chez un chien détendu. Si elle l’est, cela s’appelle “l’œil de baleine” (whale eye). On l’observe notamment lors de la survenue d’un conflit, lorsqu’un chien protège un objet (ressource), ou s’il redoute un contact qu’il ne souhaite pas subir (Source : American Kennel Club).

Différences individuelles et particularités raciales

Tous les chiens, comme les humains, n’ont pas la même façon d’utiliser leur regard. Cela dépend de :

  • L’anatomie : Museau long versus court, yeux ronds versus en amande.
  • Race : Les races de chiens de berger (Border Collie, Australien) ont développé un regard “magnétiseur” pour déplacer les troupeaux — le fameux eye (œil) — qui peut intimider d’autres chiens ou sembler insistant pour des humains non avertis.
  • Aptitudes acquises : Un chien qui a eu des expériences négatives avec l’humain sera moins enclin à croiser nos yeux, ou alors, dans un style très bref.

Selon une étude menée par Brian Hare (université Duke), les chiens sont capables de répondre différemment selon la direction du regard : un chien à qui l’on sourit et que l’on regarde fixement aura tendance à s’approcher, tandis que s’il perçoit des signes de tension, il peut préférer s’éloigner.

Quelques pièges à éviter… et de bonnes habitudes à prendre !

  • Ne jamais “forcer” un chien à soutenir le regard, surtout si des signes d’inconfort apparaissent.
  • Si un chien vous fixe longuement sans cligner les yeux, éloignez-vous ou détournez le regard, surtout s’il s’agit d’un inconnu.
  • Utilisez le regard doux et les clignements lents comme outil d’apaisement (aussi pour vous, cela relaxe !).
  • Entraînez votre chien au contact visuel à travers des jeux calmes (ex : “Regarde-moi”, en récompensant par un sourire ou une friandise).

Petit rappel malin : ce n’est pas un concours de “qui cligne des yeux en premier”. Il s’agit de nourrir la confiance et de permettre au chien de choisir de nous regarder, et non l’inverse.

Décrypter le regard de son chien : des bénéfices au quotidien

  • Anticiper les maladresses ou les situations stressantes lors d'une promenade.
  • Mieux cerner quand son compagnon a besoin de repos, de jeu ou, à l’inverse, de tranquillité.
  • Favoriser l’apprentissage, en utilisant le regard comme élément de connexion et de motivation (“regarde-moi”, “attends”, “tu peux y aller”).
  • Prévenir certains conflits avec des congénères, en apprenant à repérer les signaux de malaise.

Le regard du chien est un formidable outil de dialogue muet entre l’humain et son compagnon à quatre pattes. Savoir l’observer — et le respecter — c’est s’offrir, chaque jour, une lecture fine et précieuse des états d’âme canins.

À force de pratique et d’attention, on découvre qu’un simple œil pétillant ou une paupière alourdie en disent souvent plus long qu’un long discours. L’œil du chien, miroir de ses émotions… et, bien souvent, reflet de notre propre humanité.

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